samedi 29 août 2020

                   Voilà quelques années j'étais à parcourir, seul, de vieux chemins de la montagne piémontaise...Je redescendais des hauteurs vers la vallée et ses bruits humains après une nuit, fraîche, près du lago Mongioie et une immersion embaumante de corps et d'âme de deux jours . Là-haut je n'avais, à mon grand étonnement, croisé personne, pourtant les paysages avaient de quoi vous embellir et vous aider à reprendre équilibre au sein du monde à traverser.

Vint l'inattendu. J'avais bien vu les crêtes au loin s'embrumer, pressenti la venue de pluies, d'orages peut-être, mais je ne pensais pas être encore dans la montagne quand le grand tremblement se déclencherait.

    En quelques minutes le ciel se noircit et le grand jeu de pétanque céleste commença. Ah, pour savoir faire des carreaux, là-haut, ils étaient bons! Éclairs, tonnerre!!! Je n'ai eu alors qu'une envie, regagner des lieux plus tranquilles, plus bas, et cela le plus rapidement possible tout en sachant bien que si la foudre avait décidé de me transformer, en torche, en esprit ou en un de ces êtres qu'elle ne fait qu'effleurer en leur donnant un accès à une science de la vie autre elle me rattraperait, quelle que soit la longueur de mes pas!

    Cabri je suis, cabri je reste! J'ai dévalé. Coupant les virages, sac au dos dans les clapas, ne pensant à rien sinon qu'à filer doux. Jusqu'à ce moment où je l'ai aperçue.

Silhouette encore confuse, bien des virages plus bas, ne traînant pas, elle non plus. Je n'eus plus qu'une idée, la rattraper! Comme si une compagnie, prise dans cette partie de boules céleste, pouvait signifier la vie sauve.

    J'ai encore accéléré le pas, sauté, bondi, sac au dos tressautant. Quand je l'ai eu dans ma ligne de mire, sur le replat, j'ai légèrement levé le pied, heureux de cette présence qui filait bon train. Nous étions, elle et moi, dans le fond de cette vallée d'altitude qui débouchait, guère plus loin, à la descente, vers le village de Pèiraporc. 

C'est sous une pluie diluvienne que je l'ai rejoint. Et  ralenti. Devant moi, à trente pas, un homme, dégoulinant, au sac chargé sur les épaules. Pas un randonneur comme moi, non, je l'ai vite compris. Sur ses épaules, un sac, rebondi. En dessus du sac, débordant de tous côtés, des plantes, des herbes. Bien sûr je les ai reconnues de suite. De ces plantes interdites à la cueillette tant pour leur rareté que pour leur dangerosité! J'avais devant moi une sorte de contrebandier. 

    La pluie nous inondait toujours tandis que l'orage tournait de sommets en sommets et  je me mis à rire intérieurement. Cet homme, devant moi devait être bien content de ce temps  à décourager quiconque de mettre le nez dehors! Il ne s'agissait pas, pour lui, d'être découvert! 

Longtemps j'ai hésité à le doubler. Et, quand je l'ai fait, en pressant encore plus le pas, j'ai juste lancé un bonsoir sans même le regarder. Le bond qu'il a fait!!! Pourtant je ne suis pas de ceux qui le trahiraient, ni même parleraient de lui au retour car je sais bien que ces gens ont une connaissance si approfondie de la montagne et de ses ressources qu'ils n'en n'abuseront pas, bien au contraire!

    Plus bas, dans les bartas, une petite fiat à grimper aux arbres, discrète, l'attendait. J'ai poursuivi jusqu'à ma voiture, l'ai ouverte sans bruits, me suis déchargé et suis allé me cacher un peu plus haut.

Pour attendre, j'ai attendu! Et je ne l'ai pas revu. Il a probablement préféré continuer à pieds plutôt que de risquer de me recroiser et de se trahir.  

    Le soir j'ai eu droit à une soupe chaude et une bouteille de vin partagée dans un café après m'être un peu fait charrier gentiment à propos de loups, mais c'est une autre histoire... 

Arca de seda -arc en ciel

Arca de seda -arc en ciel
les légendes des plantes