jeudi 18 août 2022

Une belle journée!

Alors que les pluies se faisaient languir, dans le massif alpin comme ailleurs, je suis allé, un petit matin, me dégourdir les pattes en montagne. Voilà longtemps que je n'avais pas pris ce temps-là et il m'était devenu urgent et indispensable de renouer avec le minéral, le végétal etl'animal dans ces bouts de vallée où j'avais peu de chance de croiser un humain ni d'être dérangé par une sonnerie de téléphone. Je suis donc parti, à la fraîche. Léger, comme d'habitude. Sans eau, j'entrouverai dans les ruisseaux cachés, une banane, quelques carrés de chocolat et une poignée de noix. Avec ce que je grignoterai en route, de fruits sauvages j'étais parti pour la journée. Je n'ai pas fait un kilomètre, sur la piste forestière, que je le ai entendus. Voix et cliquetis de bâtons sur les pierres. Une bonne vingtaine de randonneurs partant pour un quelconque col. J'ai eu du mal à les doubler. et les entrechats parfois foecés, parsemés de bonjour et bonne balade, que j'ai du réaliser m'ont valu les moqueries fines de certains. -Oh il est pressé celui-là! - Eh, il a pas mis son clignotant! De quoi vous faire aimer les groupes! De toutes façons je savais que je n'allais pas les trouver dans le même secteur que celui où j'allais me perdre joyeusement! Quand j'ai traversé le lit de la rivière j'étais déjà embaumé par les bruits du petit monde qui vivait sa vie, là. Insectes, oiseaux traversant les feuillages bruissants, coulis d'air...Le sous-bois se fait peu à peu dense. Le chemin qui fut à une époque bien fréquenté a subi les ravages du torrent et si je ne savais pas où j'allais jel'aurai vite perdu. Un passage d'animal (non humain) dans les verges d'or, le chant d'une tourterelle, une fourmillière d'un bon mètre de haut, grouillante de d'habitants qui vaquent à leurs occupations, je me sais bien accompagné. Quand je débouche, au bout d'une longue montée à bien 30% de pente la halte me repose de mes efforts: devant moi un fayard a pris ses aises, une belle tige droite s'élance vers les airs tandis que sa voisine a choisi de s'étirer langoureusement avant d'en faire autant! Un véritable banc, rond et doux. un mètre devant c'est le ravin. trente à cinquante mètres de vide, brutal et à ne pas mettre les pieds au bord, friable, à peine retenu par les racines des arbres et des myrtilles. Mais en face s'ouvre le début du paradis que je comptais visiter. L'émerveillement. Le flap flap des ailes d'un oiseau -assez gros- que je ne verrai pas, l'aboiement d'un renard...Les taches de verts clignent sous le soleil. Celles des pins, des fayards et des sorbiers qui peuplent ce fond de vallon, toutes différentes, toutes clins d'oeil joueurs pour qui sait les voir rire dans le jaune sec des pelouses d'altitude, le blanc rageur du calcaire au soleil et le bleu cru du ciel. Je repense à ces randonneurs...Que verront-ils, qu'entendront-ils? Ce soir ils seront contents, ils auront ''fait'' un col, deux ou trois peut-être et rentreront chez eux, la besace à merveilles désespérément vide... L'eau fraîche du torrent me réjouit les papilles, claire et douce au palais, j'en profite pour m'en asperger la peau. Ces lampées sont un régal. Le débit est maigre, la cascade enfouie dans les en-bas doit être fine, je ne l'entends même pas. Je débouche, un long moment après avoir quitté les abris feuillés, sur un petit serre aux pentes de lapiaz. Un étrange mélange de fougères du diable, de gentianes jaunes desséchées et de vérâtres, d'asphodèles en tiges brunies déjà et de cistres odorants m'a attiré là. J'aime arriver à cet endroit, si varié que, chaque fois, je me pose. En plus, cadeau du moment, des groseilles sauvages et des amélanches! Une véritable dégustation montagnarde...Pour les sorbes il me faudra revenir à l'automne. La crête est un envers de sabot de cheval. Me voilà avec, devant moi, les pentes rudes au seul accès possible aux humains, un cirque bout du monde dressé au ciel où voltigent et crient les grands corbeaux. Je sais que je suis dans le pays où habitent les loups et je sais aussi que je n'en verrai probablement pas. Surtout à dix heures du matin. Mais rien que de savoir que je traverse un peu de leur chez eux me fait frémir d'aise. Au pied des barres je n'irai pas plus avant. Et je m'accorde un autre arrêt, adossé à un pin, beaucoup plus long celui-là. histoire de me laisser disparaître dans le paysage. Seulement être là, au milieu du tout. Ne pas bouger, me laisser porter, odeurs et couleurs, bruits mystérieux. Qui a faitrouler la pierre derrière moi? Je ne me retournerai pas, je suis une ombre collée au tronc... ...Beaucoup plus tard, j'entendrai les sonnailles. Le troupeau de brebis chôme, dans le sous-bois, plus bas. Déjà tout est grillé. Le berger doit se faire du souci. Un des patous a eu un doute et lancé deux aboiements mais je suis fondu dans le paysage de l'autre versant du sabot, déjà dans la descente. La dernière halte sera pour me plonger une dernière fois dans le filet d'eau qui sourd sous les dalles. Vraiment une belle journée!

Arca de seda -arc en ciel

Arca de seda -arc en ciel
les légendes des plantes